Tighri Uzar – Exils et territoires
Rencontre avec I Maistrelli
Dans le cadre du festival annuel Sirocco, consacré aux cinémas, et plus largement, aux cultures arabes et berbères, nous accueillons Tighri Uzar (traduction littérale : la voix des racines). Ce trio composé de trois sœurs collecte des chants traditionnels kabyles.Transmis par leur mère et par leurs ainées de Yakouren, leur village d’origine, ces chants ancestraux contiennent des chants répartis en trois spectacles dont un, celui que nous programmons ce soir, est dédié aux chants d’exils.
Les chants interprétés par Tighri Uzar témoignent de l’Histoire avec un grand H de la région de Kabylie. Dès l’arrivée des colonnes françaises en 1857, ce territoire connut des spoliations des terres, des déportations vers la Nouvelle Calédonie, à Cayenne, après l’insurrection de 1871. La prolétarisation, la confiscation des terres, ont fait connaitre aux kabyles d’autres contrées et d’autres lieux qui n’étaient pas les leurs.
Dès lors, les femmes se sont approprié ces territoires à travers leurs chants et leurs poésies. Les événements comme la séparation, l’éloignement, la mort des êtres chers (fils, maris et pères) ont introduit dans leur vocabulaire des mots nouveaux, ceux comme la France, l’Allemagne, la Nouvelle Calédonie, la Tunisie, ou celui des villes voleuses d’hommes, comme Paris, Lyon, Gabès, Alger… Ces lieux réellement existants ont investi l’imaginaire de ces femmes qui n’ont pour la plupart jamais quitté leur village.
Tighri Uzar fait raisonner encore à travers ces chants collectés l’histoire de la région, pérennise l’expression de ces femmes. Cette soirée s’annonce comme exceptionnelle, puisque Tighri Uzar accueillera I
Maistrelli, groupe de polyphonie féminin, originaire d’Ajaccio. Toutes issues des maîtrises de Filu d’Amparera, ces six femmes, très vite, à force de travail et de passion, ont gommé les frontières afin d’offrir aujourd’hui un spectacle d’une qualité rare. Des chants oubliés renaissent, auxquels s’ajoutent des inédits. Nous pourrons écouter ou redécouvrir des chansons du patrimoine chanté d’une Corse parfois oubliée qui résonne à nouveau. Les créations occupent elles aussi une place importante avec des textes du poète Rinatu Coti et des musiques de Jean-Pierre Godinat. Ce groupe innove et surprend et, au final, c’est l’enchantement. Gageons que cette soirée comptera parmi les plus gracieuses et les plus sensuelles de l’Aghja.